Avec l’explosion des faillites d’entreprise, le principe du « quoi qu’il en coûte » atteint ses limites

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AVEC L'EXPLOSION DES FAILLITES D'ENTREPRISE, LE PRINCIPE DU "QUOI QU'IL EN COÛTE" ATTEINT SES LIMITES

Le mois de mars pourrait marquer un point de bascule des faillites d’entreprise en France. Alors que les défaillances ont considérablement reculé depuis le début de la pandémie en raison du soutien de l’État, les signaux de détresse se multiplient. Le cabinet Altares note une explosion de 155 % des faillites fin mars et un « taux jamais atteint depuis 20 ans » d’entreprises se présentant devant les tribunaux et passant directement en liquidation. 

7 406. C’est le nombre de défaillances d’entreprises survenues au premier trimestre 2021. Ce niveau de défaillances exceptionnellement bas, qui suit les traces de 2020, n’est pas la marque d’une économie en bonne santé. Face à la pandémie de Covid-19, le gouvernement français a mis l’économie sous perfusion à travers de multiples aides. Ces dispositifs maintiennent les entreprises, même les plus mal en point, en survie. Mais le vernis commence à s’écailler.

« Alors que la tendance à la baisse des défaillances d’entreprises était forte depuis un an, les deux dernières semaines de mars marquent un point de bascule. Les défaillances ont explosé de 155 % comparés à mars 2020 et on remarque une hausse encore plus importante sur les deux premières semaines d’avril », explique Thierry Million directeur de Altares. Le cabinet d’étude vient d’ailleurs de publier un rapport sur ce sujet. D’autres chiffres, plus spécifiques, montrent l’ampleur de la détresse des entreprises. 

Des entreprises en détresse

Ainsi, huit entreprises sur dix qui se présentent devant les tribunaux sont tellement en difficulté qu’elles sont directement liquidées. « C’est un taux jamais atteint depuis 20 ans », constate Thierry Million. En temps normal, si une entreprise n’est plus en capacité de payer ses fournisseurs, après 45 jours, elle doit se présenter devant le tribunal qui décidera s’il lance une procédure de sauvegarde, ou si, au vu du passif et des dettes, l’entreprise doit être liquidée. Or, l’État, pour mieux aider les entreprises à gérer la crise, leur a permis de ne pas obligatoirement passer devant le tribunal en cas de cessation de paiements. Un dispositif à double tranchant.

« Les entreprises n’ont pas anticipé cette situation. Certains dirigeants n’ont pas pris conscience des difficultés ou ont retardé leur passage devant le tribunal. Or cela leur aurait peut-être permis de trouver une issue plus positive qu’une fermeture, un plan mieux adapté », explique Thierry Million. Le cabinet Altares s’attend à une hausse des défaillances d’entreprises au cours des mois qui vont suivre. Selon l’économiste de l’OFCE Bruno Ducoudré, les faillites d’entreprises « vont arriver courant 2021 et elles pourraient causer 200 000 destructions d’emplois », avance-t-il. 

Mieux distribuer les aides

Interviewé par Novethic, Etienne Charbonnel, l’avocat spécialiste des procédures collectives au cabinet Vivaldi Avocat à Lille estimait en janvier dernier que la mise sous perfusion des entreprises était une « bombe économique à retardement ». « La question est : quand est-ce qu’elle va exploser ? Est-ce qu’on n’est pas en train de reculer pour mieux sauter ? », s’interrogeait-il. La suite va aussi dépendre de la reprise. Le 26 avril, Emmanuel Macron a évoqué une réouverture « par étapes » selon les territoires avec en priorité, une réouverture des établissements culturels en jauge réduite.

Si l’État continue de soutenir « quoiqu’il en coûte » les entreprises, il va devoir cependant faire des choix. Un bon nombre d’entreprises survivent grâce aux aides de l’État. « Il faut identifier les entreprises qui ne sont pas viables et donner aux autres le moyen de rebondir. Il est préférable de distribuer des aides plus importantes à moins d’entreprises que l’inverse », plaide Thierry Million. Pour l’heure, Bruno Le Maire veut préparer le mieux possible la reprise pour les secteurs qui sont prêts à redémarrer. Le ministre de l’Économie prévoit une enveloppe de 11 milliards d’euros de prêts participatifs pour les entreprises. Des prêts de huit ans que les entreprises pourront commencer à rembourser au bout de la cinquième année. Des « quasi-fonds propres » qui vont leur permettre de retrouver des couleurs.